Guerre en Ukraine : pourquoi les chars promis à Kiev par les Occidentaux ne seront opérationnels sur le terrain que d'ici plusieurs mois
Les Ukrainiens ont accueilli avec soulagement la décision de l’Allemagne puis des États-Unis de leur fournir des chars de combat. Toutefois, il va leur falloir patienter encore des semaines, voire des mois, avant que ces matériels ne soient opérationnels.
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Et la raison est simple : les Ukrainiens devront d'abord être formés sur ces machines, assez différentes des tanks de conception soviétique genre T72 sur lesquels ils opèrent jusqu'à présent. Les équipages ukrainiens devraient ainsi mettre entre quatre et six semaines pour se former sur les Leopard, et quatre semaines de plus pour les équipes de maintenance. Et il ne s'agit pas que de formation technique : on ne fait pas la guerre de la même manière avec un Leopard 2 et avec un T72.
Quelque 20 tonnes de plus
Un exemple tout simple : le Leopard allemand pèse 20 tonnes de plus qu’un T72, et donc, ne peut pas passer les mêmes ponts. Une mesure à prendre en compte quand on imagine conduire une manœuvre avec passage de multiples cours d'eau, ce qui ne manquera pas d'arriver dans le sud de l'Ukraine, sur la ligne de front. Et puis, il y a aussi toute une chaîne logistique à organiser pour servir ces nouveaux matériels. La mécanique et l'électronique de ces engins sont complexes : il faut pouvoir les réparer sur le terrain. Et il leur faut armement et carburant en quantité, obus, essences... Résultat, les premiers chars lourds occidentaux pourraient être sur le terrain début mars, au mieux. Plus probablement, les chars occidentaux ne seront véritablement opérationnels en Ukraine qu'au printemps.
Une problématique qui se pose également pour l'Abrams américain. S'il est "performant", comme le dit le président Joe Biden, il est aussi le plus complexe à faire fonctionner et à entretenir. Les Américains vont donc former les soldats ukrainiens dès que possible, hors d'Ukraine, et leur envoyer les pièces nécessaires à sa maintenance. La Maison Blanche prévient donc que les 31 exemplaires ne seront pas opérationnels en Ukraine avant des mois.
Certains gradés du Pentagone parlent même d'un an avant leur arrivée. On ne sait toutefois pas encore s'il s'agit de chars neufs, tout droit sortis de l'usine de Lima, dans l'Ohio, ou bien de modèles rénovés ou déjà en service dans d'autres pays. Mais il ne devrait pas y avoir plus de la trentaine annoncées : cela correspond à un bataillon de chars ukrainiens. C'est en tout cas un engin "très compliqué", glissait le numéro 3 du Pentagone : il est cher et nécessite une formation difficile. Son moteur, multi-carburant d'avion à réaction, consomme onze litres de kérosène au kilomètre, selon lui. Et si un char américain Abrams roule au kérosène, le Leopard, lui, roule au diesel : cela veut dire deux chaînes d'approvisionnement différentes.
Et la France ?
Au total, l’Allemagne a annoncé la livraison de 14 chars lourds Leopard 2, un nombre que la Grande-Bretagne s’est engagée à doubler avec 14 Challenger 2. Les États-Unis ont, eux, promis 31 chars Abrams. La Pologne livrerait aussi au moins 14 blindés et le Portugal 4, soit 77 chars dont la livraison est confirmée. L'Espagne, la Norvège, la Suède, les Pays-Bas, la Finlande et le Danemark ont également exprimé leur volonté de livrer à l'Ukraine leurs Leopard 2. À la fin, Kiev pourrait percevoir plus de 130 chars de bataille occidentaux.
Quant à la France, elle devrait annoncer d'ici quelques jours si elle participe à l'effort, avec son char lourd Leclerc. Pour ce qui est du char Leclerc, Paris n'a pas d'objection " politique" et toute la question, indique-t-on du côté du ministère des armées, est de savoir si et comment les Ukrainiens pourraient utiliser cet engin et surtout le maintenir en conditions opérationnelles... Le Leclerc est en effet du même niveau que l'Abrams américain ou que le Leopard allemand, mais, contrairement à eux, il n'a pas été produit en très grosses quantités. Et, surtout, on ne le construit plus.
Seule la France en dispose en Europe et il serait beaucoup plus complexe pour les Français d'organiser une chaîne de maintenance pour des engins évoluant sur le théâtre ukrainien, à l'inverse du Leopard qui est, lui, toujours fabriqué et que les voisins immédiats de l'Ukraine en disposent, comme la Pologne peuvent parfaitement mettre en œuvre des unités de maintenance sur leur sol. Ainsi, livrer des Leclerc, ce serait peut-être faire "un cadeau empoisonné" aux Ukrainiens, confiait-on au ministère des Armées, il y a quelques jours. La France a d'ores et déjà promis à l'Ukraine des chars légers, des AMX 10.
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